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Photo du rédacteurVincent BERLANDIS

Respirer la vie

Le monde actuel nous bouscule. Devant tant d’incertitudes, nous cherchons à rejoindre ce qui fait sens, nous cherchons un appui, une structure stable pour reprendre pied tout autant que nous convoitons un espace de calme et de liberté pour nous réfugier ou nous envoler. Ce lieu, c’est nous. Notre corps, lieu d’expériences et de découvertes, le yoga nous invite à y voyager, à plonger en nous-même vers des terres inconnues, à nous dépasser pour prendre le large et finalement se rencontrer tel que nous sommes, simplement, sans artifices.

Cette période est propice à ce voyage intérieur. Bien qu’elle suscite de nombreuses réactions, parfois légitimes, au fond de nos entrailles, bien qu’elle agite toutes nos convictions qu’il nous faut défendre, toutes nos certitudes, nos croyances, elle dévoile aussi notre fragilité, nos propres contradictions et nos souffrances. Le yoga ne nous invite ni à les contenir, ni à les juger ou les affronter, ni même à les changer, il nous invite juste à les laisser venir pour les regarder d’un autre lieu, d’une autre façon, à les traverser sans nous y attacher. Cet autre lieu, il est également en nous. La connexion à cette intelligence profonde qui nous habite, cette clairvoyance du plus loin que nous-même, se fait par le Souffle, celui qui défait les nœuds qui nous enserrent et nous retiennent, celui qui décrispe notre rapport au monde, offrant une passerelle magique entre le repli, les peurs, les désirs et les haines. Le Souffle dénoue nos chaînes, soufflent sur nos angoisses et nos obsessions. Il apaise nos agitations et met en mouvement nos marasmes, nos inerties. Ce Souffle qui vit en nous est un tuteur qui nous fait grandir, qui nous élève au-dessus et nous rend léger, apte à vivre les mouvements du monde comme ceux qui nous habitent intimement.


Plus on pratique, plus le vent souffle fort jusqu’à disperser nos pires conditionnements, nous rendant à nouveau capable de nous ouvrir, de sentir la Vie qui s’écoule paisiblement tout au fond du fond de l’Etre que nous sommes. La pratique du yoga nous rafraîchit, nous réveille, nous régénère. Elle nous transforme jusqu’à nous redonner une cohérence profonde, essentielle, qui rend obsolète le combat intérieur contre la Vie telle qu’elle se manifeste autour de nous. Il ne s’agit pas de perdre ses convictions, ses colères, de les effacer en y renonçant mais juste de constater qu’elles ne sont plus là quand le vent intérieur a soufflé. Nous pouvons ainsi revenir à ce que nous sommes vraiment, retrouver vraiment nos esprits et vivre pleinement cet appel d’air, dans une écoute nouvelle de l’instant.


Le Souffle permet de s’appuyer en soi, de trouver un support, un axe, un trait d’union entre la terre et le ciel, entre nous et le monde. Il nous donne une place qui ne dépend en rien de ce qui est ou de ce qui n’est pas autour de nous.

Le sens est là, plus besoin de le chercher dans un ailleurs imaginaire. Il s’impose sans effraction, avec une évidence naturelle, à la fois banale et puissante. Le yoga est ce voyage, loin des exotismes et des fantasmes, une simple balade au milieu des contractions, des impatiences, des envies et des impuissances, dans lequel nous pouvons les regarder en face sans passion, les laisser se détacher sans les retenir.


La destination n’est rien d’autre que la Vie elle-même, un champ infini dans lequel tous les possibles sont ouverts. Un simple retour « à la maison » qui ne ressemble en rien à une rétraction, ni à un confinement. Dans ce contexte particulier, les yeux fermés du yogi ne symbolisent pas une résignation ou une indifférence du monde, mais juste une renonciation à entretenir ses propres batailles ou à choyer ses attachements. Le cœur reste ouvert, solidaire et l’inspiration comme l’expiration, après avoir soufflé sur le feu intérieur, ne cessent de tisser les liens de l’harmonie et de l’union

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